J71 Santiago de Compostela
7h, le réveil sonne. J’appelle ma belle qui n’est plus qu’à trois cents kilomètres de moi. A 8 heures, je suis prêt, le chariot est chargé Il ne me reste qu’à commencer cette dernière journée, mais je tourne dans le salon de la pension, je remonte à la chambre vérifier que je n’ai rien oublié,… Bon, il faut que j’y aille. Mes yeux deviennent humides, je réalise que demain, il n’y aura pas de départ pour une nouvelle étape.
Je rejoins le Camino. Il sera étrangement calme toute la journée. Les groupes de « touristes » sont certainement devant pour être à la messe des pèlerins. Je profite des exhalaisons de l’humus et des senteurs d’eucalyptus. Une petite pluie fine intermittente rend le chemin de terre glissant par endroit. Malgré moi, malgré la joie de retrouver ma belle, je marche plus lentement qu’à l’habitude. Les kilomètres durent des heures… Je rattrape le couple de « vieux » français. Ils marchent en priant à haute voix. Je ne les importune pas
Je m’arrête dans un bar jouxtant un camping. J’y déguste une dernière tortilla (omelette épaisse contenant des pommes de terre).
J’arrive au Monte Gozo, lieu mythique pour le pèlerin. De là, on domine Santiago. Je suis sur le Monte Gozo ! Enfin ! Je suis tout près du but de ce périple.
Un monument érigé lors de la venue de Jean Paul II se dresse sur un monticule. Je laisse le chariot en bas et monte pour regarder et photographier. Je redescends et remonte avec le chariot, car je veux une photo de moi, avec le chariot. Un peu comme une preuve… Je vais repartir, mais l’émotion est trop forte, je sens les sanglots montés et je craque…
Je commence la descente tranquille vers la plaza Obradoiro, située à cinq kilomètres de là. Tout à coup, le pied gauche glisse sur la terre humide, le bout de l’autre pied tape dans une pierre et me voilà parti en avant. Je me rattrape, je ne sais pas comment. Ce serait trop bête à quelques kilomètres de l’arrivée.
A l’aide du plan, je me situe. J’entre dans la vieille ville. Maintenant, je longe la cathédrale, passe sous le porche qui me mène à la rue de San Francisco où ma belle m’attend. Personne ! je rentre sur la place de l’Obradoiro, où se situe l’entrée principale de la cathédrale. Je cherche du regard. Je téléphone. Une incompréhension entre nous, elle m’attend à l’autre extrémité de la rue.
Je la vois, nous marchons l’un vers l’autre. Je suis ému, très ému…je tombe dans ses bras, et nous nous serrons de longues minutes. Un groupe d’espagnols en T.shirt blanc remarque notre couple et ils nous applaudissent en lançant des cris de joie.
Nous faisons des photos, trainons un peu sur cette place où j’espère retrouver des compagnons d’aventure. Clémence et Lindsay viennent à nous. Moments de joie et d’émotion encore, et encore !!!
Nous allons mettre le chariot dans la voiture. Nous recherchons ensuite un petit restaurant. Dans la rue, je tombe sur Luna, l’une des Taiwanaises. Emotion ! Sur un Italien, et d’autres rencontrés sans avoir vraiment discuté, mais nous nous reconnaissons dans la foule et nous nous saluons avec plaisir.
Après le déjeuner, je vais au bureau des pèlerins pour obtenir la « Compostella » attestant que j’ai bien effectué le « pèlerinage ». Je remplis un document, dans lequel j'indique d'où je suis parti et quand, comment j'ai parcouru le chemin (pour moi,à pied), etc... et je dois mettre une croix dans la case : motif religieux, motif religieux et culturel, autres motifs. Bien évidemment, je suis honnête et coche la dernière case. J'apprends que je ne peux pas avoir le document n'ayant pas effectuer le pélerinage pour motif religieux !!! Je tombe des nues. Je suis revenu dans la réalité où l'hypocrisie et le mensonge mènent le monde. Je vois dans la file d'attente des gens qui ont, au mieux, parcouru 100 kms, chipant à droite et à gauche des tampons pour leur crédenciale, qui eux mettront la croix où il faut!
Ce n'est pas ce document qui est important, certes, le vécu, les souvenirs sont l'essentiel. Toutefois, je garderai quelque part un sentiment d'injustice, une fois de plus. L'Eglise parle d'un dieu Amour. Qu'en est il ? Si c'est la manière de "récupérer" la brebis égarée...
Nous rentrons à l’hôtel. J’en profite pour retrouver mon look d’avant… Nous décidons d’aller diner à La Corogne au bord de mer. Trois mois sans être monté dans une voiture, les émotions vécues depuis le matin, et le relâchement nerveux favorisent le mal des transports.
Il est minuit quand nous retrouvons notre hôtel.